Aiguille du Grand Fond couloir sud-ouest : la plus belle pente du Beaufortain?
Que je l’aime celle-là : découpée, lointaine, altière, aguichante, rocheuse, plâtrée, découpée, striée… A priori peu taillée pour le ski? A priori seulement, car pour y être déjà allé en 2018, j’ose proposer ici cette impensable sentence : la plus belle pente du Beaufortain? Pour moi, assurément oui, même s’il m’en reste encore une ou deux qui me font de l’oeil. En tout cas pour tout ce qui tourne versant Roselend / Arêches, pour moi il n’y a pas photo. C’est celle-ci et pas une autre.
Jugez par vous-même : n’est elle pas belle?
A dire vrai ce n’est pas exactement l’Aiguille du Grand Fond, mais son antécime sud cotée 2883m. sur la carte. Le couloir sud-ouest démarre aux pieds de la brèche de Parozan et remonte vers la gauche la face dans cette grande diagonale ascendante que l’on voit bien ci-dessus, pour déboucher au sommet entre les rochers.
Qu’on se le dise : ce joyaux se mérite! Au coeur de l’hiver, c’est une journée à 2600m D+ et plus de 20km de distance, avec une bonne partie à tracer. Même l’été, lorsque les routes sont ouvertes, ce versant de l’Aiguille du Grand Fond reste secret. Alors en hiver, forcément, c’est encore une autre histoire. Mais voilà : si les perles se trouvaient au coin de la rue, on serait tous riches n’est ce pas? Et puis 2600m avec de vrais skis et de vrais chaussures, c’est pas la même. On laisse les shoes en PQ et autres skis en carton aux accros du chrono, et on choisit l’option skis grosse pow pow : je m’étonne encore du nombre de vrais faux compétiteurs que j’ai vu descendre droit à cul dans la trace sur leur 65mm au patin dans les champs de poudre froide que la montagne nous offre depuis une semaine. J’ai un peu de mal a comprendre.
Après la perturbation du week-end dernier, je n’avais d’yeux que pour cette belle ligne. Le plus dur était de caler le créneau : merci la team de Villard-Bernon qui se reconnaitra :o))) Alors au petit jour, nous commençons la longue poussée sur les bâtons qui doit nous mener là bas, tout là haut. -10°C au parking, ça motive à avancer. Une première montée au passage de la Charmette, et le soleil du matin nous inonde. Les champs de poudreuse du versant Roselend nous offrent une première descente toute en douceur. Arrivés au Marsia, on prend la première a droite direction Treicol, puis c’est parti pour la grimpette. Les pentes sous l’alpage de Parozan, qui m’inquiétaient un peu, sont en fait très saines.
Nous débouchons ensuite sur l’alpage. J’adore cet endroit, même si je ne le connais qu’en hiver : un vaste replat, un chaos de blocs (les restes de la brèche de Parozan) gisent épars, ça et là, sous la masse de la brèche éponyme et de l’Aiguille du Grand Fond. Un petit chalet est blotti derrière un bloc, caché loin du Monde, avec comme compagnon un renard. Il faut absolument que j’y revienne en automne tellement le lieu est magique.
Et puis on arrive aux pieds du bazar. La neige est de plus en plus épaisse, et alterne entre poudre lourde en rive droite au soleil et grosse poudre froide en rive gauche – classique pour un sud ouest-. On est 3 à se relayer et heureusement, je pense que sinon on ne serait pas sortis en haut. L’Aiguille du Grand Fond couloir sud-ouest se mérite, assurément. D’abord des épingles, de plus en plus serrées, puis le goulet terminal entre les rochers patagoniens plaqués de neige. On alterne entre cuisson à point et courant d’air glacé qui nous tombe sur les épaules : c’est éreintant. Un peu après 15h00 on est au sommet, soit 6h30 depuis la voiture. Bien les lapins, bien…… en tous cas on est bien fatigués, la trace nous a plombé.
Petite pose contemplative-sandwich-repos-des-cuisses au sommet. Autant dire que là haut en janvier, on se sent assez seuls. Ca change de cote 2000 :o))) Au nord, le sommet de l’aiguille du Grand Fond, qui aurait mérité que l’on pousse jusque là haut avec un peu plus de temps. Au sud, l’arête qui se prolonge jusqu’à plonger à la brèche de Parozan, arête patagonienne qui constituerait un beau petit challenge d’alpinisme hivernal -tiens tiens, une idée pour la suite?-.
Une fois passées ces considérations, il est temps de descendre : c’est à dire qu’on est pas tout à fait arrivés à la voiture! Allez, on bloque les shoes et les fixs et on descend. La partie haute, que nous avions skié en 2018, était bien plus remplis à l’époque : là, les 50 premiers mètres se font en dérapage, les requins sont planqués ici et là.
Et puis ensuite…ensuite…que dire?
Rien :
Arrivés à Treicol, on remet les peaux et on remonte jusqu’à la Charmette, dans le grand calme de la fin d’après midi de Janvier. Un petit coup d’oeil dans le rétro pour admirer la belle, qui désormais porte nos 3 traces jusqu’à la prochaine chute de neige. L’Aiguille du grand Fond couloir sud-ouest, deuxième visite là haut et toujours autant de classe. Ne serait-ce pas plutôt ça le « ski alpinisme »?
Le sentiment du job accompli :o) Ju, Steph… au top!
Superbe, ça donne envie …. Un jour
magnifique. Soleil magique sur ces grands champs sauvages. Bravo et merci d’avoir publié cette magnifique randonnée.