On me demande souvent à quoi ressemble une saison de Guide, à quoi ressemble ce drôle de métier. Alors qu’approche Octobre et que l’automne s’invite dans nos Alpes un poil plus tôt que prévu, petit retour au travers de quelques images de l’été sur ce qui fait ce métier, et sur ce qui fait que je l’aime. Le métier de Guide est un somme de plein de choses.

Joie partagée…

Guide montagne Argentiere

La joie partagée, c’est celle du Guide et des ses clients, ou amis faudrait-il dire dans certains cas… On est là, ensemble, le temps d’un séjour, et finalement la Montagne n’est peut etre qu’une excuse.

 

Confiance…

arete de Flèche Rousse guide

La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Elle doit être réciproque sinon elle ne vaut pas grand chose. Confiance en son guide quand les conditions sont plus rudes que prévues et que le doute s’insinue dans les esprits. Confiance en ses clients quand on sait qu’il va falloir « avancer » un peu.

Aboutissement…

Aiguille d'Argentière guide beaufortain

La valeur d’un sommet n’est que relative, mais procède toujours de l’aboutissement. Pour mes clients, c’est le rêve qui se matérialise en un point, quelques instants, le temps d’un cliché et d’une poignée de fruits secs. Pour moi le sommet n’est souvent que le début de la descente.

Découverte…

Nadelhorn alpinisme guide

Sans ce métier, comment me retrouverai-je à voir poindre le jour sur une arête d’un sommet Suisse, dans une vallée que je ne connais pas, encordé avec une chilienne que j’ai rencontré la veille à la faveur de connaissances communes? La découverte est permanente, et forcément gage d’enrichissement

 

Dialogue…

Un Guide et son client dialoguent, forcément. Le Guide expose, rassure, encourage. Le client questionne, questionne encore. Et de vive voix.

Cet été j’ai vu un Guide qui, au moment décisif (pour le client) d’une prestigieuse ascension, dialoguait avec le monde sur Instagram via son portable, alors que son client était dans le doute à 30cm de lui. Le dialogue m’a semblé terriblement rompu.

 

Emotion…

Les clients sont émus, souvent, toujours. Emus de parvenir là où le Guide les emmène. Et c’est tellement normal : la Haute Montagne n’est pas un environnement facile à appréhender, encore moins quand toute la semaine ceux-ci se débattent dans une vie de bureau énergivore. Quand l’heure de la libération arrive, c’est l’émotion qui souvent s’invite la première. Heureusement les masques peuvent dissimuler les larmes…

 

Sur un fil…

arete des bosses mont blanc guide

Une saison de guide se déroule souvent sur un fil : satisfaction personnelle, satisfaction des clients, gestion de l’Agenda, gestion du risque, génération de revenus, conditions météorologiques, vie personnelle… Qu’on ne se trompe pas : derrière la « carte postale » du Guide bronzé qui passe sa vie au soleil, se jouent bien d’autres choses.

 

Hauteur…

refuge du gouter mont blanc

Une saison d’été se passe souvent en hauteur, plus que l’hiver tout du moins. La hauteur est ce qui nous fait grandir. Depuis un peu plus d’1 an maintenant et pour des raisons où la conviction personnelle s’entrechoque avec le rouleau compresseur de la masse, la hauteur m’interroge un peu plus. Les refuges d’hier ne sont plus tant « hors du monde » que celà, et par certains côtés je m’y sens de moins en moins à l’aise. Même en hauteur, même hors du Monde, un Guide gamberge sur la marche du Monde.

Intimité…

escalade roi de Siam guide

Le Guide entre souvent dans l’intimité de ses clients. Quand un papa veut emmener sa fille dans les grandes montagnes et qu’il la « confie » à son Guide, c’est en acteur discret que j’essaye de me tenir. Simple témoin ou pourvoyeur? Je ne vois qu’une face de la pièce, et souvent je me demande ce qu’il y a sur celle que je ne verrai jamais.

 

Tristesse…

Aiguille du Tacul sécheresse

La tristesse, la peine, l’immense peine de voir la montagne se déliter sous l’effet du changement climatique. La colère aussi, celle d’être pris pour un pigeon, celle de constater qu’à la même période le traffic aérien n’a jamais été aussi florissant. Je n’attends rien du haut car je sais que rien n’en viendra. Par contre je suis effaré de l’indifférence et du déni de mes semblables. Y compris chez certains de mes collègues Guides.

 

La détente…

Parfois le job de Guide est détendu. Ce n’est pas si souvent mais ça arrive. Emmener des passionnés pour une projection de film dans un refuge transformé en cinéma le temps d’un soir, ce n’est pas banal. On peut trainer le soir autour d’une bière, on peut se prélasser autant qu’on veut, demain le réveil ne sonnera pas. C’est si bon.

 

Responsabilité…

grande ruine Oisans guide

Un Guide est toujours responsable de son client, et c’est d’ailleurs souvent la raison première pour laquelle les Guides sont sollicités. Mais parfois la responsabilité va plus loin : quand les années passent, que l’assurance baisse alors que la passion demeure, quand l’expérience ne trouve sa contrainte que dans la douleur des quadriceps qui fatiguent, alors le Guide est celui qui rend les choses « encore » possibles. Et c’est une responsabilité immense, bien plus grande que celle prévue par les contrats d’assurance.

Initiation…

dolomites escalade guide de haute montagne

Certains passionnés de demain sont mes clients d’aujourd’hui. Ils ne connaissent pas, ils aimeraient découvrir. Transmettre le goût, transmettre la passion, permettre la découverte … quelle belle mission! Dans cette perspective, le Guide est un passeur privilégié, pour peu qu’il le souhaite au fond de lui. Et cette position me comble pleinement.

 

Plaisir…

aiguille DiBona guide escalade

Celui d’un « plan qui se déroule sans accroc » : Tu veux faire du granite? ça tombe bien j’adore ça… Alors partons grimper. Plaisir des longueurs qui déroulent, plaisir pour moi, plaisir pour l’autre, le soleil nous chauffe le dos et le granite. Il y a des séjours que l’on fait « pour le travail » mais qui auraient pu tout aussi bien se dérouler entre amis, au même endroit. On peut travailler par plaisir, assurément.

 

Exhumer des trésors…

 bivouac montagne guide

Je ne peux pas imaginer emmener des clients dans des endroits où je n’ai pas envie d’aller. C’est d’ailleurs pour celà que je ne fais pas de canyon, j’aime pas ça. Trouver les lieux qui me sont chers et y emmener celles et ceux qui sont prêts, c’est quelque chose qui me tient à coeur même si parfois je me trompe. Je continue, c’est ce qui m’anime.

Prendre du recul…

L’important, ce n’est pas ce 8a que je ne passerai sans doute jamais, ce n’est pas non plus ce Tournier intégral que je n’arriverai peut être jamais à faire. L’important est ailleurs : dans le regard de mes enfants, dans l’amour de ma femme, dans les Valeurs que nous leur transmettons, dans ce geste de mon fils qui mesure, du haut de ses 8 ans, que la Liberté a un prix…  Rester un Guide, même hors saison…